vendredi 12 octobre 2007

Che : le revers du mythe



Che Guevara

Loïc Abrassart

Milan, 64 p. ill., annexes, 5,50 e, ISBN 978-2-7459-2667-8.


Le Che est un sujet difficile à traiter. Héraut désintéressé de l’avènement d’une humanité ou tyran psychopathe aux mains couvertes de sang ? Un peu de deux, mon général. Malheureusement, le grand public n’a de ce personnage hors du commun qu’une vision à l’eau de rose véhiculées par des hagiographies recyclant ad nauseam les mythes élaborés par la propagande communiste. Pour les auteurs traitant du Cuba marxiste et de ses grandes figures tutélaires, le recours à la coupure de presse bien choisie, de préférence dans Granma, remplace une investigation par trop difficile. Malheureusement, internet a mis un terme au journalisme des ciseaux et du pot de colle. Des internautes irrévérencieux se font malin plaisir à débusquer les vilains copieurs. Récemment, un grand journaliste français fut pris la main dans pot de colle car il avait publié un livre de pseudo-entretiens avec Fidel Castro dont les réponses avaient été pompées sans scrupules dans les discours officiels et dans la presse du Parti.
Il n’est donc pas étonnant que le Che soit devenu la dernière incarnation présentable des rêves révolutionnaires de la jeunesse nantie du monde occidental. Voilà pourquoi le Che est plus populaire en France que dans son pays natal.


Le visage du mythe

Dans un tel contexte, l’auteur devait résoudre une quadrature du cercle, présenter en peu de pages à un jeune public une figure christique sans pour autant tomber dans le reproche d’une œuvre de complaisance. En dépit d’une sympathie évidente pour son sujet, Loïc Abrassart a réussi une œuvre synthétique et bien conçue qui aborde les grande étapes de la vie du Che tout en signalant, prudemment, les zones d’ombre du personnage. Dans la mesure où le public qu’il vise manque cruellement d’esprit critique et qu’il est encadré par des enseignants au conformisme pesant, il était difficile à l’auteur d’en faire plus. On peut regretter qu’il ait choisi un langage relevant davantage du registre militant que de celui de l’historien. Ainsi, il présenta la guerre civile espagnole comme l’affrontement entre des « républicains contre des fascistes ».
Les lecteurs plus informés remarqueront ici ou là quelques erreurs mineures. Par exemple, la ville d’Alta Gracia dans la province de Cordoba en Argentine où emménagent les parents du petit Ernestito Guevara n’est pas situé sur des contreforts des Andes.



La maison de la famille Guevara à Alta Gracia.

Las sierras de Cordoba, à ne pas confondre avec les Andes.


La description de la situation politique de l’Argentine des années quarante et cinquante laisse perplexe. L’auteur ne mentionne pas le fait que les antipéronistes de gauche ne sont qu’une minorité infime et leur échec a reprendre le cœur de la classe ouvrière argentine explique l’impuissance du marxisme dans ce pays.
L’étudiant marginal se mue en étonnant voyageur, parcourant l’Argentine et l’Amérique en moto, devenant sans doute le titre d’étudiant en médecine le plus absentéiste du monde. Son diplôme décroché en juin 1953 est un défi à toutes les normes universitaires et certains esprits critiques affirment qu’en réalité il n’a jamais décroché son titre de médecin.
Quoi qu’il en soit, ce jeune homme sort du commun, partisan de cette idée de la « grande patrie » défendue par Bolívar, il se sent chez lui partout en Amérique. Les causes qu’il rencontre deviennent ses causes. Il s’engage auprès d’un révolutionnaire cubain, élevé par les bons pères, qui veut renverser le dictateur Batista.
La découverte de la perle des Antilles après une traversée éprouvante à bord d’un vieux yacht, le Granma, achèvera la transformation du jeune homme en combattant redoutable.
Ses succès s’expliquent aussi par le fait que ses adversaires ne sont pas armés pour combattre une insurrection communiste. Mais les leçons seront bien apprises par les Américains et la victoire des Barbudos sera la seule (avec celle des Sandinistes). Si les Castristes avaient eu comme adversaires des rangers comparables à ceux qui mettront un terme à son existe dix ans plus tard, l’issue aurait probablement été différente.
L’auteur met bien en évidence que les révolutionnaires qui entre dans la Havane en vainqueurs en 1959, ils sont encore des nationalistes hostiles aux Etats-Unis. Mais l’hostilité de Washington aux projets de Castro et des siens accélèré une mutation vers le marxisme que le Che encouragera.
L’auteur décrit avec justesse les erreurs entraînées par le dogmatisme du Che lorsque celui-ci devient responsable de la politique économique. Pour échapper à cette faillite de ses rêves, il cherche un nouveau terrain d’aventures. Ce sera d’abord le Congo, un échec douloureux et puis la Bolivie, nouvel échec et cette fois définitif.



Un guérillero pas très doué.


En dépit de son parti-pris, ce petit livre de Milan est bien fait et correspond bien aux besoins des lecteurs qu’il ambitionne d’avoir : ces jeunes lycéens qui portent des effigies du Che sans même savoir qui il est. Les dernières pages, consacrées à la postérité du Che et à sa récupération par la société marchande sont parfaitement bien vues.

Une collection inégale


Dans cette même collection, on trouve la Colonisation française de Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Françoise Vergès. Sujet trop vaste pour être correctement exploité en si peu de pages. Les auteurs ne disent à aucun moment que l’importance économique des Antilles au XVIIIe siècle fut capitale, sans aucune comparaison avec ce qui s’est passé par la suite. Sans cette dimension économique on ne comprend pas l’obstination de la France à conserver ces confettis antillais et, notamment les sanglantes campagnes à répétition à saint Domingue. Les auteurs n’insistent pas assez sur le fait que la colonisation avant 1885 a pour objectif principal l’exploitation commerciale. En revanche, sous l’impulsion de la gauche, elle devient « civilisatrice » avec l’avènement de la iiie République. Les auteurs laissent transparaître un engagement politique qui sent un peu le rance. Ainsi lorsqu’ils affirment que Saïgon a été libéré en 1975. Les victimes du goulag viêtnamien et les boat people apprécieront. Engagé, partial et lacunaire, ce petit livre est malgré tout un compromis acceptable entre des points de vue forcément distants.



Une vision sacrilège du Che par un exilé cubain.



Che Guevara



Miguel Benasayag




Bayard, 160 p. 21 e, ISBN 2.227.47213.8.


Que cet ancien combattant d'une des plus sanglantes guérillas marxistes d'Amérique latine soit publié par la florissante maison d'édition des assomptionnistes ne manque pas de sel. Un ancien pistolero de l'OAS ne bénéficierait probablement pas de la même mansuétude. Quoiqu'il en soit, cet auteur sait de quoi il parle. Contrairement à d'autres, il a mis sa peau au bout de ses idées, acceptant les risques encourus par son engagement : la mort dans un affrontement avec les forces de l'ordre, la prison ou une disparition fatale entre les mains des escadrons de la mort de l'armée. Il est donc bien armé pour s'intéresser au mythe généré par son compatriote Ernesto Guevara Linch. Bien sûr, il ne s'intéresse pas au Che qui dirigeait les pelotons d'exécutions dans la caserne de la Moncada. Pour lui, l'affreux de la révolution cubaine c'est Raul Castro, pas le Che, véritable figure angélique, comme ces anges rubiconds que l'on trouve dans les églises baroques de l'Argentine coloniale. Raul, c'est le communisme à la sauce soviétique, comme celui du Parti communiste argentin qui soutint la dictature militaire au nom des intérêts de l'Union soviétique. Le Che c'était le communisme idéalisé, irénique, dont un révolutionnaire rangé des voitures peut se réclamer sans risques dans une Europe bourgeoise. Pourtant, ce livre se lit avec intérêt car il est nourri par une part d'expérience personnelle. Certes, il reconstruit le passé comme la naissance de la guérilla marxiste argentine de l'ERP. Il insiste sur l'appartenance des indiens et des ouvriers à ce mouvement. C'était peut-être vrai à Tucuman. Mais la lecture des listes des noms des morts dans les grandes attaques des centres urbains révèle une origine des militants qui ne correspond en rien à cette légende. Ce livre engagé n'est pas un livre d'histoire, mais le témoignage d'un militant qui n'a rien perdu de ses rêves de jeunesse. Des rêves qui se seraient peut-être transformés en cauchemar pour les Argentins si les hommes de l'ERP avaient pris le pouvoir. Heureusement pour lui, ce furent les militaires qui plongèrent l'Argentine dans l'horreur et qui sauvèrent Miguel Benasayag d'un destin sinistre.

Che Guevara, l'oeil et le mot

Romin Favre


Mango jeunesse, 48 p. grand format, 15 e, 2-7404-1663-6.

Décidément, le Che est à la mode. Comment présenter ce personnage hors du commun à des adolescents ? L'auteur a choisi le faire grâce à une série d'images d'Épinal agrémentées de courts extraits des écrits du Che. Véritable figure christique, le Che devient un personnage de légende, éloigné des réalités trop terre à terre des révolutions concrètes. La mise en page et en images, de filiation dadaïste, a partagé la rédaction en deux camps irréductibles. L'illustration, mêlant typographie et images, collages et effets graphiques, a suscitée tout autant l'enthousiasme des uns que la répulsion des autres.

Personnage de légende au repos, entre deux exécutions.


Le Che, tueur d'enfants ?

Au risque de désespérer les Bobos, voici un des nombreux témoignages sur le rôle d'exécuteur sanguinaire du Che dans la phase la plus sombre de sa vie. Sous la plume de Pierre San Martin (un pseudonyme), il a été publié dans les colonnes du quotidien El Nuevo Herald digital le 28 décembre 1997.

Eran los últimos días del año 1959; en aquella celda oscura y fría 16 presos dormían en el suelo y los otros 16 restantes estábamos parados para que ellos pudieran acostarse, pero nadie pensaba en esto, nuestro único pensamiento era que estábamos vivos y eso era lo importante; vivíamos hora a hora, minuto a minuto, segundo a segundo sin saber que depararía el siguiente.
Fue como una hora antes del cambio de turno cuando el crujiente sonido de la puerta de hierro se abrió, al mismo tiempo que lanzaban a una persona más al ya aglomerado calabozo. De momento, con la oscuridad, no pudimos percatarnos que apenas era un muchachito de 12 o 14 años a lo sumo, nuestro nuevo compañero de encierro. Y tú que hiciste, preguntamos casi al unísono. Con la cara ensangrentada y amoratada nos miró fijamente, respondiendo: por
defender a mi padre para que no lo mataran, no pude evitarlo, lo asesinaron los muy hijos de perra.
Todos nos miramos como tal vez buscando la respuesta de consuelo para el muchacho, pero no la teníamos, eran demasiados nuestros propios problemas. Habían pasado dos o tres días que no se fusilaba y cada día teníamos más esperanzas que todo aquello acabara, los fusilamientos son inmisericordes, te quitan la vida cuando más necesitas de ella para ti y para los tuyos, sin contar con tus protestas o anhelos de vida.
Nuestra alegría no duró mucho más, cuando la puerta se abrió, llamaron a 10, entre ellos al muchacho que había llegado último; nos habíamos equivocado, pues a los que llamaban nunca más los volvíamos a ver.
¿Cómo era posible quitarle la vida a un niño de esta forma; sería que estábamos equivocados y nos iban a soltar? Cerca del paredón donde se fusilaba, con las manos en la cintura, caminaba de un lado al otro el abominable Che Guevara.
Dió la orden de traer al muchacho primero, y lo mandó a arrodillarse delante del paredón. Todos gritamos que no hiciera ese crimen, y nos ofrecimos en su lugar. El muchacho desobedeció la orden, con una valentía sin nombre le respondió al infame personaje: si me has de matar tendrás que hacerlo como se mata a los hombres, de pie, y no como a los cobardes, de rodillas.
Caminando por detrás del muchacho, le respondió el Che: "con que sois un pibe valiente"...
Desefundando su pistola le dió un tiro en la nuca que casi le cercenó el cuello.
Todos gritamos: asesinos, cobardes, miserables, y tantas otras cosas más. Se volteó hacia nosotros y vació el peine de la pistola, no sé cuantos mató o hirió; de esta horrible pesadilla, de la cual nunca logramos despertar, pudimos darnos cuenta que aunque heridos estábamos en aquella clínica del estudiante del hospital Calixto García, por cuanto tiempo no lo sabríamos, pero una cosa sí estaba clara, nuestra única
baraja era la de escapar, única esperanza de superviviencia.


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