vendredi 5 octobre 2007

La Grande Guerre en noir et blanc et en couleurs


La Première Guerre mondiale
au jour le jour

François Icher
La Martinière, 560 p., biblio., ill., 32 e, ISBN 978-2-7324-3619-7.

Le diable se cache dans les détails et il adore les légendes des photographies. Telle pourrait être la leçon tirée de ce joli livre des éditions de La Martinière consacré à la Première Guerre mondiale et signé par François Icher, professeur agrégé d’histoire et de géographie. Né en 1958, l’auteur a soutenu en 1997, sous la direction de Pierre Laborie, une thèse intitulée les Compagnonnages et la société française au XXe siècle.
Auteur chevronné qui multiplie les titres chez différentes maisons d’éditions, François Icher a réuni un florilège de citations témoignant de ses nombreuses lectures. On saute d’Ernst Jünger à Max Gallo en passant par Apollinaire. On est frappé par le ton des textes d’époque qui nous font frémir par leur patriotisme à l’emporte-pièce contrastant avec ce que nous savons des horreurs de la guerre. Ces courts textes, quelques lignes à chaque fois, sont illustrés par des photographies le plus souvent bien choisies.
Texte et photos réussissent à couvrir l’ensemble des activités du front, des combats à la vie quotidienne, de la confection des repas à l’épouillage sans oublier les blessés.
La diversité des illustrations révèle que Flora Mérillon, l’iconographe de La Martinière, a passé au peigne fin tout ce que la place de Paris compte comme agences. La majorité des clichés est de bonne qualité et ne fait pas partie des habituelles sélections que l’on retrouve chez les éditeurs paresseux. En revanche, on explique mal la présence en fin d’ouvrage de photos contemporaines dont le flou est probablement très artistique mais qui n’apportent rien au livre.
On note le professionnalisme des éditeurs au soin qu’ils prennent à indiquer les sources des textes ainsi que des photographies. Il est bien de rappeler autant que possible le nom des photographes, surtout quand ils s’agit d’hommes comme Albert Samama-Chikli du Service photographique des Armées.

Itinéraire d’opérateur

Albert Samama-Chikly est âgé de 44 ans lorsqu’il découvre le champ de bataille de Verdun. Juif tunisien, il sort transformé des épreuves de la guerre et il rentre au pays avec une étonnante force créatrice. Pionnier du cinéma en organisant les premières projections dans le pays en 1897, il a découvert les plaisirs de la caméra en filmant Tunis depuis les airs en 1908. Il se lance en 1922 dans la mise en scène de films avec un court-métrage, suivi en 1924 par le premier long-métrage Ain El-Ghezal ou la fille de Carthage où il s’attache à décrire la vie du petit peuple tunisien. Il meurt en 1933 mais sa fille Haydée Chikly poursuit une carrière d’actrice jusque dans les années 1990.

Pour un prix modéré, ce livre est un beau cadeau à faire ou à se faire.


Des légendes un peu légères

En revanche, il est dommage que La Martinière n’ait pas fait appel à un connaisseur de la Première Guerre mondiale pour compléter l’information offerte aux lecteurs ou pour éviter quelques douloureuses erreurs, principalement dans la rédaction des légendes.


La légende indique qu’il s’agit d’un camp d’entraînement américain, sans date.
Or, il s’agit d’un cliché très connu pris au camp Dick, en Californie, où un sergent anglais enseigne les rudiments du combat à la baïonnette à un conscrit américain.




Il est aussi dommage que les photos de toute évidence mises en scène, comme celle des pages 120-121 (ci-dessus) ne soient pas signalées.


Alors que d’autres, parfaitement authentiques ne soient pas davantage mises en valeur en dépit de leur rareté (pages 122-123, ci-dessus).


Des clichés d’avant-guerre ne sont pas signalés, comme celui à la pages 266-267 ou même un cliché de la drôle de guerre qui fait un saut d’une génération dans le temps (p. 386-387, ci-dessus).




De clichés très connus, comme celui de la page 319 (ci-dessus), ne sont pas identifiés. Or il s’agit d’une des photos les plus émouvantes de la guerre, publiée par l’Illustration en couverture, où l’on voit le colonel Desgrée du Loü (frère du fondateur de l’Ouest-Eclair, ancêtre d'Ouest-France), monter à l’assaut, le drapeau du régiment à la main, le 25 septembre 1915, quelques instants avant de mourir frappé par une balle allemande.


Encore un cliché très connu qui passe à la trappe, celui de la page 374-375 (ci-dessus) : « Souvenir du front, anonyme, sans date ». Pas du tout, il s’agit du célébrissime sergent Alvin C. York, du 328 IR qui captura 132 soldats allemands le 8 octobre 1918, photographié sur le lieu de ses exploits le 7 février 1919 par F.C. Phillips du Signal Corps.

Des erreurs flagrantes

« Tanks anglais en flammes, 1917. » Il s’agit très probablement de chars Renault dans une unité américaine en 1918 et non pas en 1917. Probablement un cliché extrait d’un film d’après-guerre.

« Fantassins américains avec une mitrailleuse de 37 mm. » En fait, ce sont des soldats du 23 Infantry Regiment tirant au canon de 37 mm sur des positions allemandes (le cliché a été inversé par rapport à l’original).

Aucun commentaire: