vendredi 12 octobre 2007

L'usure du mythe

Dans les colonnes du Figaro, François Huter a publié une courte recension de l'ouvrage de Jacobo Machover la Face cachée du Che (Buchet-Chastel)


Le Che, ange cruel,
tombe de son piédestal


Des millions d'adolescents portent encore des tee-shirts à l'effigie de Che Guevara, qu'ils assimilent à un martyr. En fait, le Robespierre cubain était un tortionnaire illuminé et sans pitié.

Face à la mort, il avait paniqué, ce qui prouve qu'il était humain, du moins lorsqu'il s'agissait de lui. « Ne tirez pas ! Je suis Che Guevara ! Je vaux davantage vivant que mort ! », s'était-il écrié, ce 8 octobre 1967, lorsqu'il fut capturé par les soldats boliviens, dans le canyon de Yuro. Le lendemain, c'était il y a quarante ans exactement, l'ordre tombait : le capitaine de la CIA, Felix I. Rodriguez, devait faire exécuter son prisonnier, qui ressemblait à un mendiant couvert de guenilles. « Il est devenu blanc comme une feuille de papier. Je n'ai jamais vu de ma vie un homme dans un tel état », se souvient celui qui traqua le Che des mois durant.

Paravent des illusions

À une heure vingt de l'après-midi, un soldat bolivien, saoul, tira des rafales de mitraillette, il assassina le Che. Les Boliviens voulaient l'abattre à tout prix. Les Américains préféraient le garder vivant. Pour ne pas en faire un martyr. Ce qu'il devint immédiatement.

Dans l'île de Cuba, en octobre 2007, les affiches géantes montrent toujours le visage rayonnant du Che, qu'un vieillard pathétique de 81 ans, Fidel Castro, continue d'utiliser comme paravent à ses illusions défuntes.

Ces images hantent le paysage alors que les 11 millions d'habitants de cette île, claquemurés dans leur misère, quémandent quelques dollars à des touristes émerveillés par ce décor de pacotille, ce lupanar pour tour-opérateurs sans scrupule.


La caserne de La Moncada, lieu des pires exploits du Che.


Le Che, et lui seul, flotte encore au-dessus des débris de ce naufrage, comme un mythe indestructible, alors que le Mur et l'URSS ont disparu depuis longtemps, que la Chine tente vainement de réguler un protocapitalisme sauvage. Régis Debray, qui partagea son combat, résume bien la situation : « On ne peut rien contre les mythes. Son assassinat l'a transformé en archange, le glaive en moins... »

Chien de garde de Castro

La mort brutale transforme l'homme en symbole œcuménique, les couturiers et les footballeurs à la mode portent son effigie. Comme à une époque celle de Jim Morrison. Voici pourtant l'heure de vérité pour le Che. Non, l'homme n'était pas un idéaliste mort assassiné. Il avait été à Cuba le chien de garde de Fidel Castro. L'exécuteur de ses basses œuvres. Il avait des centaines de morts sur la conscience. Il avait été « le boucher de Cabana », la prison de La Havane, avant d'être métamorphosé en martyr désarmé. L'homme fumait ses havanes en assistant aux exécutions de ses victimes, en compagnie d'invités. « N'utilisez pas les méthodes bourgeoises légales. Les preuves sont secondaires », ordonne-t-il.

Plusieurs ouvrages sont publiés en cet anniversaire. Le plus accablant est celui de Jacobo Machover. L'auteur, qui a lu « l'œuvre » du Che, constate : « Rien de plus dogmatique que ces textes où la plus grande orthodoxie politique le dispute à une pulsion effrénée de la mort. » Au-delà du personnage de poudre et de sang, c'est peut-être cette mystique de la mort, ce goût morbide pour un retour au chaos originel qui fascine tant de jeunes dans le personnage du Che. L'ange était un démon, et sa pulsion la destruction.

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