vendredi 18 avril 2008

Hypocrisie parisienne

La vie bien confortable des parisiennes durant l'Occupation.

Dans un accès de courage, la mairie de Paris va supprimer la campagne d'affichage annonçant l'exposition "Les Parisiens sous l'occupation", présentée jusqu'au 1er juillet à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris (BHVP).

Interrogé par l'AFP, Christophe Girard, adjoint PS au maire de Paris, chargé de la culture, explique la décision de la mairie par les "émotions" qui ont pu être ressenties et la "polémique" déclenchée par la manifestation. "Le titre ne nous plaît pas", a ajouté l'adjoint de Bertrand Delanoë.

L'exposition de la BHVP met en scène 250 photographies inédites en couleurs d'André Zucca, un photographe qui travaillait à l'époque pour Signal, un journal de propagande nazie.

Elle est présentée comme "une vision de la vie parisienne pendant l'Occupation et la Libération".

Une ville aux multiples cinémas et salles de spectacles.

Certaines photos montrent des beautés parisiennes et des Parisiens déambulant paisiblement sur les Champs-Elysées ou aux courses à Longchamp. Très peu ou pas de place est accordée à la réalité de l'occupation et de ses aspects dramatiques, comme les files d'attente devant les magasins d'alimentation ou les rafles de Juifs.

Il a été reproché à la BHVP de ne pas remettre ces images dans leur
contexte.

A la Libération, André Zucca a perdu sa carte de presse et été écarté de la
profession de journaliste.

Cette exposition est pourtant la bienvenue pour rappeler à la population parisienne que la Seconde Guerre mondiale ne se limite pas aux journées de la Libération quand toute une ville s'est racheté une bonne conduite.

Le parisien sait pêcher en eaux troubles.

Les photos d'André Zucca sont des mises en scènes assez convenues mais elles reflètent bien la connivence entre la population parisienne et l'armée allemande jusqu'au dernier jour. Un témoin, de passage à Paris en juillet 1944, m'a raconté avoir assisté à la scène suivante devant la gare Montparnasse. A l'heure de la sortie des bureaux, la place étant noire de monde, on entend le bruit de moteurs d'avions arrivant à basse altitude. Craignant les mitraillages, les passants s'égaillent dans tous les sens à la recherche d'un abri. Quand, soudain, un jeune ouvrier à la voix gouailleuse de titi parisien s'écrire : « Ce sont les nôtres ! » et la foule d'exclamer sa joie en voyant passer au-dessus de leurs têtes une formation de Messerschmitt M109 aux sinistres croix noires !

Mais il y a plus fort. Les éditions Heimdal ont publié voici quelques années un fort album consacré à une des divisions Waffen SS fétiches du IIIe Reich. Sur la route du front de Normandie, des régiments blindés de cette unité passent par Paris et les photographies prises par les correspondants de guerre de la division montrent dans toute leur banalité les rapports décontractés entre les Parisiens et les Waffen-SS. Les clichés où de jolies parisiennes flirtent avec les jeunes conducteurs de chars sont particulièrement évocateurs.

Les jolies parisiennes avaient un faible pour les conducteurs de chars de la Waffen-SS. Les mêmes vont s'accrocher au cou des soldats américains.

Certes ce témoignage, tout comme les photos d'André Zucca ou des PK de la Waffen-SS, ne révèlent qu'une face de Paris. Les persécutions, l'activité de la police, les pénuries n'y apparaissent pas. Mais cette face sombre de la vie de la capitale en guerre était occultée depuis près de soixante ans au profit d'une capitale résistante qui est un des mythes fondateurs de la France d'après-guerre.

Il était temps que Paris redescende sur terre pour commencer son autocritique. Si Bertrand Delanoë et Christophe Girard s'obstinent à refuser la réalité, on n'est pas près d'ouvrir le volume tant attendu des repentances parisiennes.

Paris en pleine résistance à l'Occupant.

Le correspondant à Paris du Times de Londres ne s'en laisse pas conter :

An unusual warning has been added to a Paris exhibition that has shocked some visitors and media, despite the absence of sex, violence or religion.

The photographic show has caused offence by depicting the French capital in the Second World War as a sunny place, where people enjoyed life alongside their Nazi occupiers.

Bertrand Delanoë, the Mayor, ordered a notice, in French and English, to be handed out at the door of the municipal exhibition of colour photographs that have stirred ghosts that Paris preferred to forget. The 270 never-published pictures avoid the “reality of occupation and its tragic aspects”, says the warning.

In the French collective memory, early 1940s Paris was a black-and-white hell of hunger, Nazi round-ups, humiliation and resistance. Films and books have in recent decades modified the cliché. The breathtaking colour series by André Zucca, a French photographer, show as never before a gay Paris that got on with life without great hardship.

Well-dressed citizens shop on the boulevards and stroll in the parks; young people crowd nightclubs; bikini-clad women bathe in the fashionable Deligny pool. The terraces of familiar cafés are crowded and commuters with briefcases march into the Métro.

The differences are the absent traffic, the Wehrmacht uniforms and red swastikas hanging from the grandest facades. In one sinister picture – taken in the street beside the gallery – an old woman wears a yellow Star of David, the insignia that Jews were forced to display. According to critics, the organisers at the Paris Historical Library neglected to make it clear that Zucca, a respected prewar photographer, was working for the German propaganda machine.

Pierre Assouline, a writer, said in Le Monde: “In the shadows of these same streets, they were dying of hunger and cold. Raids and torture were taking place. Here we see only relaxation, joie de vivre, the nonchalance of a kind of happiness.” Christophe Girard, the deputy mayor in charge of culture, said that he found the exhibition “embarrassing, ambiguous and poorly explained”.

Jean Derens, the director of the library, rejected the criticism, saying that everyone knew the photographer was a collaborator: “If there is a visitor who is unaware of the nature of the occupation, it’s sad, but that does not mean that everything has to be reexplained every time.” He said that the critics were not content with his leaflet, which states: “Zucca portrays a casual, even carefree Paris. He has opted for a vision that does not show . . . the queues . . . the rounding-up of Jews, posters announcing executions.” The library praises the skill of Zucca, “who played on colours like an aesthete” and chronicled the occupation privately, using rare Agfacolor film supplied by the Wehrmacht. The sunny aspect of the photos stemmed from the need to shoot the early colour film in bright light, it adds.

The exhibition reminds viewers that Paris was relatively comfortable under the Nazis because Joseph Goebbels, Hitler’s propaganda chief, decreed that the capital should be “animated and gay” to show off the “new Europe”. Theatres and cinemas were kept busy; Edith Piaf sang, and Herbert von Karajan conducted.

The collection, restored to the original colour with digital techniques, was bought by the city from Zucca’s family in 1985. The photographer was arrested after the 1944 liberation but never prosecuted. He worked until his death in 1976 under an assumed name as a wedding photographer west of Paris.

— The exhibition is open every day except Mondays, 11am to 7pm, at the Bibliotheque Historique de la Ville de Paris.

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