jeudi 10 avril 2008

La ferme gauloise de Vitré





L'Inrap annonce la découverte d'une construction au plan très original, jusqu’alors inconnu dans la région

En 2006, sur l'emprise de la future zone d'activité de la Grande Haie, à Vitré en Ille-et-Vilaine, une ferme gauloise, ayant fonctionné du IIIe au Ier siècle avant notre ère, a été mise au jour. Ce type de construction, très original par son plan, était jusqu'alors inconnu dans la région.

Une ferme en activité du IIIe au Ier siècle avant notre ère

Les vestiges les plus anciens sont des petits bâtiments sur tranchées. Le plan complet de l'un d'eux est encore visible au sol ainsi que les trous de fondation des poteaux qui supportaient la toiture de chaume. Des fragments de céramique datent ces vestiges du IIIe siècle avant notre ère. Un bâtiment enclos à caractère résidentiel et agricole, d'une superficie de 3 000 m², a été agrandi, puis, remplacé par une ferme, d'environ 5 000 m², ceinte d'un enclos sans doute destiné à parquer le bétail. Deux palissades - probablement des limites d'anciennes parcelles - ont été reconnues. En l'absence de tessons dans les fondations, l'analyse de charbons de bois au radiocarbone permettra de les dater. L'accès à la ferme se faisait par un porche. Plusieurs bâtiments ont été édifiés au sein de l'enclos. Le plus vaste correspond sans doute à une grande maison (270 m² au sol) comprenant plusieurs pièces. L'analyse des autres édifices permettra d'en déterminer l'architecture et la fonction. Un grenier sur pilotis permettait de conserver les céréales dans un espace ventilé à l'abri des rongeurs. Des tessons de céramiques permettent de dater l'occupation de cette vaste ferme des IIe-Ier siècles avant notre ère.

Des collaborations scientifiques

Après la fouille, plusieurs mois de travail en laboratoire et de rédaction font intervenir divers spécialistes : dessinateurs, photographes, céramologues, palynologues qui contribuent à l'étude du site et à l'élaboration de la synthèse des données et des observations établies sur le terrain. Ce temps de travail est aussi le moment d'échanger avec les archéologues travaillant sur des sites archéologiques des mêmes périodes chronologiques, présents sur le territoire national et issus de toutes institutions (cnrs, universités, Inrap, collectivités locales, etc.). Ces fructueuses collaborations permettront de replacer le site dans un contexte chronologique commun, d'en reconnaître ses particularités pour, à notre tour, en proposer le modèle.

Une originalité régionale

Des habitats qui parsemaient les campagnes gauloises, rien n'était connu avant 1975, à l'exception des aedificia mentionnées par César dans la Guerre des Gaules, que l'on supposait être des exploitations rurales de ce temps. Les photographies aériennes effectuées depuis la sécheresse de 1976 dans les campagnes françaises, notamment dans l'Ouest, ont révélé de vastes enclos qui pouvaient correspondre à des habitats de ce type. Depuis les années 1980, et principalement durant la dernière décennie, les fouilles préventives ont permis d'étudier, le plus souvent de manière partielle, les vestiges de certaines de ces exploitations agricoles. Ces études montrent que très tôt, dès le VIe siècle avant notre ère, certains de ces habitats ont été fondés dans l'ouest de la France. Ils présentent toutes les caractéristiques architecturales des établissements fouillés bien plus à l'est, notamment dans le sud de l'Allemagne, dans les territoires habités par les Celtes. Ainsi sont contredites les hypothèses qui envisagent une arrivée tardive, au cours du III siècle avant notre ère, de cette civilisation à l'extrême ouest de l'Europe. Ces premiers habitats enclos témoignent en effet de l'appropriation d'une partie des territoires par des exploitations familiales implantées pour durer. Ce premier réseau va se densifier notablement durant les trois siècles précédant notre ère.

Lors de la conquête des Gaules, vers le milieu du Ier siècle avant notre ère, des milliers d'habitats plus ou moins vastes parsemaient les campagnes gauloises et le mythe d'un pays couvert de forêts doit être abandonné. Dans certaines parties de l'Ille-et-Vilaine, les prospections effectuées par Gilles Leroux (Inrap) ont mis en évidence un réseau d'enclos aussi dense que celui des fermes actuelles. La ferme de Vitré, par l'ampleur de ces enclos et celle de ses bâtiments, correspondait manifestement à une exploitation importante, propriété d'une famille aisée.

La réorganisation des Gaules qui a suivi la conquête a profondément affecté l'organisation des campagnes occidentales. Un grand nombre de fermes ont été abandonnées, au profit de nouvelles exploitations moins nombreuses. Une partie de la population a dû migrer vers les villes qui ont été alors fondées, telle Condate (Rennes), la capitale de la cité des Riedones.



Le site de l'Inrap a mis en ligne un fort intéressant petit film.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Et à cette occasion, on apprend qu'une ènième "zone d'activité" est en construction, détruisant la nature et bétonnant toujours plus la Bretagne. Quand cette dernière ressemblera à la banlieue de New York, l'Armorique ne sera plus qu'un souvenir! Pauvre Gaulois! Dans quel monde vivront leurs enfants?